Depuis la mort de Michel Foucault en 1984, une imposante littérature secondaire a été produite en France et à l’étranger, tandis qu’une entreprise de publication des textes épars et des cours au Collège de France a été menée, doublant l’opus foucaldien.
À travers cet ensemble apparaît la singularité de la démarche de Michel Foucault, notamment la manière dont s’articulent articles, cours et livres. Si l’on sait que le philosophe passait de longues heures en bibliothèque, on ignore cependant comment il travaillait. Ici et là, dans des entretiens, il s’est expliqué sur sa manière d’extraire des énoncés pour construire, disait-il, des « fictions historiques ». Les informations et les outils de recherche manquent en ce domaine.
Partir à la recherche des traces de ses pratiques de lecture, mais aussi des manières de copier et de restituer sous la forme de notes, citations, paraphrases, tel est l’objet de ce programme ANR Corpus. Il s’agit en somme d’entrer dans le laboratoire foucaldien et de produire des outils pour étudier son fonctionnement.
Afin de mener cette étude sur Foucault, nous nous proposons d’enquêter en mobilisant des méthodologies différentes, à la fois sociologique et ethnographique, historique et philosophique.
Ce travail aboutira à la production :
Nous voudrions lire ensemble les pratiques matérielles et intellectuelles de Foucault : questionner son usage de la citation, examiner ses modalités d’archivage, comme enquêter sur les entreprises d’édition et de traduction du philosophe, ou bien encore analyser les corpus mobilisés pour chacun de ses projets, qu’il s’agisse des Pères de l’Église ou de la philosophie allemande.
La recherche a distingué trois objets principaux : la scène de la consultation, celle de l’extraction, et enfin la restitution dans ses livres.
Ainsi, les bibliothèques que fréquenta Foucault ont constitué le premier terrain, ses fiches de demandes de consultation, les premières archives, et les témoins de ses lectures, les premiers interviewés.
Après en avoir fait un relevé minutieux, nous avons analysé les notes manuscrites de lecture conservées de Foucault.
À l’autre bout de la recherche, une analyse des stratégies de dé-disciplinarisation des citations littéraires sera entreprise, ainsi qu’une « revisite » des rares bibliographies que Foucault livre dans quelques-uns de ses ouvrages.
L’objet étudié, au croisement des approches disciplinaires permet non seulement d’éclairer de manière inédite la démarche foucaldienne (de rompre avec un discours, soit du soupçon soit de l’admiration aveugle), de contribuer à une histoire de la lecture articulée sur des pratiques d’écriture, et aussi de traduction et d’édition, mais également, au-delà de la figure de Foucault, d’enrichir les connaissances sur les pratiques intellectuelles des très grands lettrés, à l’égal de ce qui a été mené par les historiens de la culture écrite pour la période moderne.
Il s’agit donc de produire des analyses qui ne relèveraient plus du commentaire ou d’une herméneutique, mais, en s’appuyant sur une analyse des pratiques, distincte de la génétique textuelle et de l’analyse des brouillons, de proposer une approche inédite du travail philosophique au XXe siècle.
Responsables scientifiques :
Philippe Artières (EHESS-CNRS, IIAC, UMR 8177) et Jean-Claude Zancarini (ENS Lyon, TRIANGLE UMR 5206)
Avec :
Jean-François Bert (Sociologue, IIAC, EHESS-CNRS), Carole Boulai (Ingénieure CNRS, ISH de Lyon, UMR 5206), Philippe Chevallier (Bibliothèque nationale de France), Frédéric Gros (Professeur de philosophie, Université de Paris12), Pascal Michon (Philosophe et historien), Luca Paltrinieri (Philosophe, Ingénieur de Recherche/chercheur post-doctorant, ENS de Lyon, UMR5206), Mathieu Potte-Bonneville (Philosophe, Président du Collège international de philosophie), Judith Revel (Philosophe et italianiste, MCF, Université Paris1), Jose Ruiz-Funes (Archiviste, IMEC), Samantha Saïdi (Ingénieure, ENS Lyon, UMR 5206) et Michel Senellart (Professeur de Philosophie, ENS Lyon, UMR 5206).